- le 20 juillet 2019 -

Bamboutier, oui c’est un métier !

Rencontre avec Jean-Baptiste Dubois de Déambulons

Des structures aériennes et organiques, des cocons ouverts et protecteurs, des mobiles graphiques et poétiques… Déambulons c’est rien que du bambou et de l’imagination pour créer des espaces et des objets design et naturels. Rencontre avec le fondateur de cet atelier atypique et l’un des rares bamboutiers de France : Jean-Baptiste Dubois.

Ré : Comment as-tu eu l’idée de t’approprier le bambou ?

Jean-Baptiste : « Toute l’histoire a commencé en Asie. J’y ai passé beaucoup de temps pendant mes études en école de commerce et c’est là aussi qu’a commencé ma vie professionnelle. J’ai travaillé 2 ans pour créer un centre de formation agricole pour l’ethnie Karen en Thaïlande. Là-bas le bambou est un matériau incontournable, on s’en sert pour tout : de la vannerie, aux maisons en passant par toutes sortes d’outils de la vie quotidienne. C’est à leurs côtés que j’ai découvert tout ce que l’on pouvait faire avec cette matière incroyable. L’histoire aurait simplement pu s’arrêter là car, après cette expérience, je suis rentré en France reprendre une carrière « classique » pour le groupe Darty puis aux Jardins de Gaïa. Mais j’ai eu envie d’entreprenariat. Et quand je suis tombé sur un livre de Land-art sur l’architecture naturelle, ça a fait tilt. »

«En plus de l’aspect naturel, le bambou a un rapport légèreté/ flexibilité/résistance comparable à celui de l’acier ! »

Jean-Baptiste Dubois

Ré : Comment as-tu lancé le projet concrètement ?

Jean-Baptiste : « J’avais vu qu’à part des artistes, personne ne travaillait de structures en bambou en France. Donc j’ai eu l’idée de proposer des maquettes avec des aménagements en bambou pour des festivals. J’ai baptisé mon projet Déambulons car cela correspondait bien à l’invitation de mes espaces, avec une touche de collectif et de légèreté. Pendant deux ans, j’ai travaillé sur mon réseau. Je suis allé voir des pros (menuisiers, scénographes, architectes), je leur demandais des conseils et des contacts. J’ai aussi proposé de monter mes structures gratuitement en ne faisant payer que la matière première. C’est comme ça que j’ai pu avoir mes premières références et mes premières commandes ! »

Ré : Comment devient-on bamboutier ?

Jean-Baptiste : « J’ai tout appris sur le tas. Après le bac j’avais hésité entre école de design et école de commerce. Et, depuis tout petit, j’étais mordu de constructions, donc j’avais une fibre créatrice mais aucune formation. Aujourd’hui on a développé un vrai savoir-faire, on a même inventé nos propres outils et nos machines. Pour le côté design, notre secret c’est la curiosité, on s’inspire partout autour de nous. Et puis on se fait aussi épauler par des designers. »

Ré : Qu’est-ce qui a fait décoller Déambulons ?

Jean-Baptiste : « Le salon Maison & Objets. C’est là que nous avons commencé à avoir de la visibilité. Nous avons compris que nos clients étaient les architectes, les architectes d’intérieur et les paysagistes. Nous avons refondu toute notre communication pour leur proposer du sur mesure et ça a fonctionné. Aujourd’hui le cocon qui nous a fait connaître est un produit d’appel, mais on vient nous voir pour des demandes d’habillage et d’installation sur mesure. »

Ré : L’équipe et l’atelier se sont agrandis ?

Jean-Baptiste : « Oh oui, nous sommes 3 aujourd’hui et nous avons emménagé dans un atelier spacieux (ce qui est précieux quand on manipule des grandes tiges de bambou) et chauffé ! A la rentrée, j’espère encore pouvoir agrandir l’équipe. A l’atelier tout le monde est investi dans la fabrication et dans la gestion de l’entreprise. Je reste le chef d’orchestre, mais chacun est autonome dans ses missions. »

Ré : Et d’où vient votre bambou ?

Jean-Baptiste : « De la pépinière de la bambouseraie d’Anduze. Nous utilisons donc une matière première qui fait moins de 250 km de transport. Et d’un point de vue écologique c’est ce que l’on peut faire de mieux : le nombre de m3 de matière que produit une bambouseraie est bien supérieur à celui d’une forêt. C’est une matière vraiment renouvelable : une fois qu’elle est installée, il n’y a plus qu’à couper régulièrement les tiges qui poussent et la bambouseraie se renouvelle d’elle-même sans besoin en eau ou engrais. Et au niveau du rendu : en plus de l’aspect naturel, le bambou a un rapport légèreté/flexibilité/résistance comparable à celui de l’acier. »
Exergue : « En plus de l’aspect naturel, le bambou a un rapport légèreté/flexibilité/résistance comparable à celui de l’acier ! »

Ré : Et c’est facile à travailler le bambou ?

Jean-Baptiste : « En réalité c’est assez complexe à travailler car on est sur des sections rondes et creuses, contrairement au format des scieries classiques. On fend le bambou manuellement, puis on le rabote avec une machine de notre invention. Cela pose la question du développement d’une filière entière, on y réfléchit mais cela demande beaucoup d’énergie. Côté traitement, on expérimente des choses. Le bambou est imputrescible, mais son aspect peut vieillir malgré tout. Aujourd’hui on teste des procédés pour l’ignifuger et le faire durer. »

Ré : Déambulons dans 10 ans qu’est-ce que ça donne ?

Jean-Baptiste : « Créer une filière, construire des maisons, faire des formations, développer des outils, écrire des livres… Le champ des possibles est vaste et je n’ai pas encore fait mon choix. »